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Parasomnies(2012)

Les Parasomnies

Dans une œuvre récente intitulée Parasomnies, Christophe Boulard s’est appliqué à montrer une vision cauchemardesque de la société contemporaine. Cette œuvre est composée d’une série de polyptyques où des visages inquiétants de personnes sont juxtaposés à des paysages urbains. Le message émanant de ces images en grand format n’est pas simplement lié à un effet de juxtaposition, comme on l’a vu à propos des visibilités discursives, mais à un traitement particulier de chaque photographie intégrée dans le puzzle du diptyque. Christophe Boulard a collecté des milliers d’images : photogrammes de films noirs ou érotiques, images extraites d’Internet qu’il travaille pour obtenir la gamme chromatique et le grain photographique de son choix. La série est composée par un ensemble de tableaux qui, pris individuellement, place le spectateur face à des drames sordides d’enfermement, d’arrestation ou d’intrusion effarants dans des domiciles privés. Les visages permettent de recomposer ces drames tout en laissant une large place à l’imagination: ce sont des portraits de cris, de menaces, de masques à gaz, de blessures, de pleurs et de violations. On fait face à une atmosphère terrifiante, plus inquiétante que celle du fantastique social qui, pour Pierre Mac Orlan, renvoie à l’univers noir que l’on soupçonne seulement dans les bas-fonds des villes interlopes. La juxtaposition des tableaux photographiques dégage une image de la société toute entière envahie par l’horreur et l’épouvante. Et pourtant, dans cette ambiance où nous plonge chaque tableau, entre le désespoir et la crainte, on ne peut s’empêcher d’apprécier la beauté des images – belle représentation d’une chose qui, dans la réalité, fait horreur. La turbulence des contiguïtés photographiques, le flou des écrans où se déroulent les scènes et le bougé des mimiques émotionnelles instaurent une atmosphère onirique qui justifie le titre donné par Christophe Boulard à sa série, Paramnésies.

Robert Pujade
In Fantastique et Photographie – Essai sur les limites de la représentation photographique
Ed. L’Harmattan – 2015
p. 114-116